Exclusif MadeInLens - Jérémie Janot : « Être reconnu par un garçon comme Jérémy Vachoux, ça me touche beaucoup »
Lors de notre dernière interview de Jérémy Vachoux désigné comme MVP MadeInLens de février, le jeune gardien du RC Lens avait évoqué son modèle à son poste, à savoir Jérémie Janot, qu'il a connu lors de sa formation à Saint-Etienne. L'ex-portier stéphanois avait alors réagi sur Twitter et c'est tout naturellement que nous avons souhaité l'interviewer.
Désormais entraîneur des gardiens d'Auxerre, Jérémie Janot revient sur ses débuts à Valenciennes dont il est originaire, son départ vers Saint-Etienne, et livre également son avis sur l'évolution du poste de gardien de but. Et l'ancien Vert ne manque pas d'évoquer Jérémy Vachoux et sa confirmation chez les Sang et Or cette saison.
« Je n’avais pas été gardé au centre de formation de Valenciennes, mais je pense que ça a été un mal pour un bien. J’ai vécu une histoire extraordinaire avec l’AS Saint-Etienne et, actuellement, j’en vis une nouvelle avec l’AJ Auxerre, après avoir arrêté ma carrière et passé les diplômes, toujours avec cette envie de transmettre. J’ai adoré ma carrière de joueur mais je prends plus de plaisir à enseigner, transmettre, m’interroger sur le poste de gardien et ses évolutions. Je trouve que je prends plus de plaisir à être un éducateur que j’en prenais quand j’étais joueur. »
Pourquoi vous n’avez pas été gardé à Valenciennes ?
« J’avais été jugé trop petit ! C’est un débat ancestral : est-ce qu’on privilégie le talent, le physique ou les deux ? L’année dernière, je suis allé à Porto : j’étais parti en stage d’observation et, là-bas, il y a un gardien qui évolue en U13 qui est un phénomène mais qui est petit. La philosophie du FC Porto est de dire « on va attendre les 18-20 ans de ce gardien pour voir si, même en étant petit, il est extraordinaire » . Je trouve que c’est une super philosophie : après 20 ans en pro, ça fait 5 ans que j’entraîne mais je suis incapable de dire si un jeune de 15 ans est capable de devenir joueur pro ou pas. Celui qui en est capable, je lui tire mon chapeau. A 15 ans, un mec qui fait 1m95 ou 1M80, je peux lui donner un avis favorable ou défavorable, mais je n’ai pas la science infuse : je suis incapable de dire s’il peut finir pro ou pas. »
Vous êtes allé directement de Valenciennes à Saint-Etienne ?
« Exactement. Je suis entré en U16, puis U17 et la saison d’après je suis allé en réserve puis dans l’équipe pro. Je ne suis pas gardé en 1993 à Valenciennes et en 1996 je suis pro à l’AS Saint-Etienne. »
Belle revanche !
« Ce n’est pas forcément une revanche. Je crois au destin mais, parfois, le fait qu’on ne vous garde pas à un endroit, c’est que vous n’étiez pas à votre place et qu’une meilleure place vous attend ailleurs, tout simplement. »
Avez-vous regretté de ne pas être resté à Valenciennes et de ne pas avoir éclos dans votre ville ?
« C’est la vie. J’ai eu plusieurs fois des opportunités pour revenir à Valenciennes mais, à chaque fois, ça a capoté au dernier moment. Je n’ai jamais caché que je voulais retourner dans le Nord un jour : j’étais en contact avec le RC Lens, Lille et Valenciennes et ça ne s’est jamais fait. C’est bizarre mais c’est comme ça, mais je suis jeune, donc peut-être un jour, qui sait. »
On gardera cette image de vous déguisé dans vos buts, c’était un pari ?
« J’avais la chance d’avoir un équipementier qui pouvait me faire des maillots spontanément. A chaque fois, on augmentait le délire : après Spider-Man, on a décidé d’arrêter, on avait déjà frappé un grand coup ! »
Qu’est-ce que vous pensez de l’évolution du poste de gardien de but ?
« Je trouve qu’elle est hyper intéressante ! Je pense qu’il faut avoir une ouverture d’esprit. Je n’ai absolument rien contre les grands gardiens comme De Gea, Courtois, qui ont des morphologies types mais je constate aussi que Barcelone et le Real Madrid ont Ter Stegen et Navas : ça ne les empêche pas de rafler des titres. Moi, je crois plus en la complémentarité défense-gardien qu’à un profil-type de gardien. On peut avoir un gardien très grand, qui prend de l’envergure, mais s’il reste scotché sur sa ligne et qu’il n’agit pas sur les ballons en profondeur, ça ne sert à rien. Je trouve très réducteur de réduire la performance du gardien à sa taille, mais je suis aussi le premier à dire que quand vous avez tout, à savoir la lecture du jeu, le jump, le talent et qu’en plus vous mesurez 1m95, c’est le top ! Je suis persuadé que, même si vous avez toutes ces qualités-là et que vous ne mesurez qu’1m85, vous pouvez faire une belle carrière. Pour ceux qui disent qu’avec un gardien de moins d’1m85 vous ne pouvez pas gagner de titres, le Real Madrid le prouve. Des gardiens de 2m ça existe, et ils sont très performants ! Quand je recherche un gardien, le critère numéro un c’est le talent et, après, je regarde la morphologie. »
Au niveau des gardiens actuels, quel est votre top 3 ?
« Au niveau mondial, je mettrais De Gea, Ter Stegen et Buffon. Je mettrais Neuer également mais il est blessé actuellement. Au niveau français, on a de sacrés gardiens : Lloris, Mandanda, Ruffier, Costil, Leconte, Reynet, Areola… On est bien loti ! Aujourd’hui, beaucoup de gens s’en prennent à Alphonse Areola mais un jeune gardien qui joue à Paris, ce n’est pas donné à tout le monde et je trouve qu’il s’en sort plutôt bien. »
Pourquoi avoir quitté Saint-Etienne pour Auxerre ?
« J’étais entraîneur des gardiens du centre de formation et j’avais une offre pour être chez les pros. Vu que Fabrice Grange faisait du bon travail avec l’AS Saint-Etienne et qu’il était encore sous contrat, je me suis dit qu’une opportunité chez les pros, à l’AJ Auxerre, et validée par Guy Roux, ce n’était que du bonheur : j’ai foncé et je n’ai pas hésité. »
Quelles impressions avez-vous par rapport à Jérémy Vachoux ?
« Il fait une très belle saison ! C’est un gardien qui est dans la morphologie-type : il est tonique, explosif. Il fait partie des gardiens qui jouent sans filet, qui prennent des risques : ce sont souvent des coups gagnants. Ce n’est pas un jeu risqué mais plutôt un jeu audacieux. Comme il a du gaz et de la personnalité, il fait de très bonnes choses et j’en suis content. C’est un très gros bosseur, et il a une histoire un peu inverse à la mienne : il n’a pas été gardé à Saint-Etienne parce que c’était bouché devant lui. Mais je me disais qu’il pouvait réussir ailleurs. Son formateur me parlait beaucoup de lui comme étant un gardien de talent et prometteur. Il n’a pas éclos à Saint-Etienne mais à Lens, un autre club mythique. »
Il faut savoir être patient même avec les gardiens ?
« Souvent les postes sont déjà pris. Et quand vous avez un numéro un performant et des jeunes derrière, vous n’avez pas forcément de raisons de changer. Un joueur de champ, on peut toujours le prêter mais, au poste de gardien, il y a beaucoup d’appelés pour peu d’élus. Jérémy a su faire son trou parce qu’il a du talent, de la personnalité et de la persévérance. Je dis souvent que le football rend ce qu’on lui donne : Jérémy n’a rien lâché et, aujourd’hui, il a la récompense. Il n’a pas fait le plus difficile, le plus dur commence maintenant : la confirmation. »
Vous pensez qu’il a ce qu’il faut pour confirmer ?
« Oui ! Chaque saison au haut niveau, les compteurs sont remis à zéro, le football est amnésique : il oublie ce que vous avez fait les semaines ou les mois précédents. Mais Jérémy a les qualités pour confirmer. Avec la frustration qu’il a de ne pas avoir été gardé à Saint-Etienne, je pense qu’il en a fait une force. S’il garde cet état d’esprit, et j’en suis persuadé, il va lui arriver plein de bonnes choses par la suite. »
Il fait un peu penser à vous au niveau de son jeu !
« C’est flatteur pour moi : à âge égal, il est en avance sur moi. Je suis content, je le voyais quand j’étais à Saint-Etienne et qu’il était gamin : je sentais qu’il avait un peu d’affection pour moi, ce sont des choses qu’on ressent et ça me faisait plaisir qu’un petit gardien du centre de formation s’identifie à moi. Quand, aujourd’hui, dans plusieurs interviews avec MadeInLens, il dit que quelque part je l’ai inspiré, ça fait plaisir. Je n’ai jamais cherché à être connu mais plutôt à être reconnu. Être reconnu par un garçon comme Jérémy, ça me touche beaucoup. »
Quels sont les domaines dans lesquels il doit s’améliorer ?
« Tous ! C’est une perpétuelle remise en question. Il doit franchir les paliers : il est dans un grand club avec de la pression donc ça va lui faire gagner du temps et le rendre mature plus vite. Il doit chercher à progresser dans tous les domaines, tout le temps, c’est comme ça qu’on devient meilleur. Dans un club comme Lens, le gardien ne peut pas se relâcher et se reposer sur ses lauriers parce que c’est un club populaire et les joueurs ont un devoir de performance. Jérémy est un garçon intelligent et il sait qu’il va devoir bosser pour être performant et toujours avoir la sympathie du public. » « Ce n’est pas à moi de cibler cela, mais j’ai toute confiance en Jérémy pour qu’il s’améliore d’années en années parce qu’il a cette volonté, c’est un perfectionniste. Comme chez tous les jeunes gardiens, il va s’améliorer en jouant. Quand un gardien joue, plus il va accumuler les situations, plus il va accumuler de l’expérience et il saura retranscrire les bons gestes. C’est pour ça qu’on essaie de faire en sorte de faire jouer les 15 ans en 17, les 17 en 19, les 19 en CFA et de prêter les joueurs pour qu’ils aient du temps de jeu. Le principal critère d’évaluation et de progression d’un gardien, c’est le temps de jeu. Quand vous avez du talent et que vous travaillez bien, vous avez du temps de jeu et plus vous en avez, plus vous devenez performant. »
Pour finir, est-ce que vous allez créer une chaîne Youtube avec Patrick Guillou ?
« On se chambre sur Twitter avec de petites vidéos, parce que j’ai joué avec lui et on se chambre bien. Apparemment, ça plait aux gens et ça fait rire, ça nous fait rire aussi. »
Avez-vous des questions à poser à Jérémy Vachoux ?
« Oui ! Est-ce qu’il se plaît dans le Nord ? Est-ce qu’il a gardé des contacts avec les gens de Saint-Etienne ? J'espère le revoir bientôt pour le féliciter, il mérité tout ce qui lui arrive. »
Propos recueillis par Pascal Guislain (RBM 99.6FM) pour MadeInLens
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