En plein dans le MiL : les entraînements à huis-clos du RC Lens
Entre nous, on ne choisit pas de supporter le Racing Club de Lens sans avoir un lien très fort avec l’Artois, sans avoir grandi dans les ruelles où s’inscrit plus que jamais l’histoire des corons, ou plane encore l’âme des mineurs d’antan. Soyons honnêtes, si la raison guidait nos choix, il semble clair que nous supporterions le Barça de Messi ou le Real de Ronaldo. Sans injure pour qui que ce soit, c’est un peu plus sexy non ?
Oui mais comme la raison ne guide pas nos choix, c’est bien au contraire le cœur qui nous entraîne dans les travées de Bollaert. D’autant qu’on y mange de bonnes frites mayonnaises, vinaigrées aux petits oignons.
Nous sommes début août 1979 et je livre ici le témoignage d’un gamin d’autrefois. Après avoir goûté au purgatoire de la deuxième division, terminé dans la roue du Stade Brestois et de son entraîneur-joueur Alain De Martigny, après avoir écarté Avignon au premier tour des barrages dans un épique retour (4-1 pour riposter à la défaite 2-0 à l’aller), puis éliminé au forceps le Paris FC au deuxième tour des barrages aux tirs aux buts, offrant à Francis Hédoire son heure de gloire (deux pénos arrêtés), le Racing retrouve la première division quittée un an plus tôt.
Au revoir le dribbleur impénitent qu’était Nebojsa Zlataric parti à Rennes, au revoir la pile Wonder Richard Krawczyk et Joachim « Achou » Marx transférés à Noeux-les-Mines chez le prof d’anglais Gérard Houllier. Quelques anciens tontons flingueurs de la Lazio sont toujours fidèles au poste : Michel Joly, Pascal Françoise, Hervé Flak, Daniel Leclercq, Robert Sab.
Bonjour aux petits nouveaux : Daniel Alberto, la classe argentine, un libéro qui rassurait bien plus que sa défense. Mais aussi le Polonais Henryk Maculewicz, capable de délivrer une transversale linéaire de son poste d’arrière gauche pour tomber au millimètre dans les pieds de Pierre Lechantre, un ailier gauche lui aussi fraîchement débarqué pour apporter son expérience. Bonjour Guy Lacombe qui portait déjà la moustache, et enfin, bienvenue à Yves Ehrlacher, l’alsacien auréolé du titre de champion de France avec Strasbourg, un battant qui ne se prenait pas au sérieux un seul instant.
Nous sommes au début du mois d’août 1979 et le petit texte qui suit s’adresse à tous les gamins par-delà les générations. A l’époque, les professionnels s’entraînaient à Lens, étonnant non ? La Gaillette n’était pas un projet, pas même une utopie je pense, et Tassette ne sera mis en service qu'en 1982. Le groupe Sang et Or emmené par l’inusable Arnold Sowinski, faisait ses gammes au stade Léo Lagrange, celui qui trône à la sortie de la rocade, celui qui accueillait les rencontres de la division III, de la division d’honneur et des cadets A. En cette journée estivale, tous les « tiots » gars du coin étaient libres de se poster derrière les buts pendant les séances d’entraînements, ils couraient alors comme des dératés après les ballons qui n’étaient pas cadrés dans les cages de Francis Hédoire, le héros aux pénos.
La question n’est pas de se transformer en « vieux con » mais quand même ! Regarder ses idoles quand nous ne sommes plus des enfants sans être pour autant des adolescents, c’est peu de dire que ça filait le frisson. Ce jour-là, le groupe se préparait à recevoir le FC Nantes pour la deuxième journée du championnat de France. Le Racing s’inclinera 1-3 contre le futur champion devant 27 000 spectateurs, Hervé Flak sera le buteur lensois et le public appréciera et applaudira le jeu à la nantaise de Jean Vincent.
Aujourd’hui et comme je l’ai déjà écrit, il n’est pas question de passer pour un vieux con, mais quand même, à quoi ça rime ces entraînements à huis clos ? Quelle est donc la stratégie militaro-politico-tactique qui écarte si facilement ceux qui se griment de sang et d’or depuis toujours ? Quelle est la logique sportive qui voudrait faire croire que les joueurs appartiennent à une élite harcelée par un quelconque espionnage industriel ?
Le petit gamin de treize ans en 1979, autant dire qu’il trouve ça plutôt con, il trouve ça même très con que son digne successeur, le gamin de treize ans en 2017, ne puisse que trop rarement croiser ses idoles pendant les entraînements. C’était tellement plaisant de courir comme un dératé pour rapporter le ballon à Francis Hédoire, le héros aux pénos. Sommes-nous à ce point en panne de héros pour que les entraînements s’inscrivent si souvent à huis-clos ?
Olivier BODELLE
L’équipe avant RC Lens-Nantes 1979 :
En haut, de gauche à droite : Hédoire, Maculewicz, Ehrlacher , Joly, Sénac, Alberto. En bas, de gauche à droite : Flak, Françoise, Lacombe, Lechantre, Leclercq. Absent : Sab (blessé).
Commenter cette actualité (...)