« Si tu montes, j’oublie tout ? »

Public supporters RC Lens 05
Depuis quelques jours, le temps est au beau fixe à Lens. Au-delà des premières belles journées ensoleillées du printemps, la situation du RC Lens est en passe de se débloquer. En quelques mois, le club artésien est passé du couloir des ténèbres à la salle d’attente du paradis. De quoi redonner le sourire et faire oublier toutes les couleuvres avalées cette saison ?

 

Le changement, c’est maintenant ?

Sur le plan extrasportif, la revente du club n’a jamais été aussi proche. Charles-Kader Gooré, énigmatique homme d’affaires ivoirien, s’est porté candidat à la reprise du club. Son entourage se montre extrêmement confiant, tandis que le club a confirmé par le biais d’un communiqué officiel avoir reçu deux offres de reprise. Le processus est en marche et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Sur le plan sportif, le RC Lens, englué dans la zone rouge au mois de septembre, est depuis revenu du diable Vauvert, apparaissant désormais comme le favori au troisième ticket vers la Ligue 1. En effet, les joueurs d’Antoine Kombouaré, quatrièmes à une unité du podium, ont désormais leur destin entre leurs pieds. Si les Artésiens remportent leurs quatre derniers matches, la montée sera à 99% assurée, sans même avoir besoin de se soucier des résultats de ses adversaires. Pour être à l’abri d’un éventuel sans-faute du Havre, le Racing doit encore soigner sa différence de buts, qui est actuellement de +7, là où le Havre pointe à +6.

Le redressement productif

Comment le Racing, qui était parti pour vivre une saison galère, en est-il arrivé là dans le sprint final ? La reconquête s’est d’abord faite sur le terrain. Alors que des rumeurs de démission d’Antoine Kombouaré circulent, le RC Lens remporte une bataille cruciale le 21 septembre 2015 sur le terrain de Valenciennes (0-1). Au terme d’un match poussif et guère convaincant, les Lensois quittent la zone rouge pour ne plus jamais y remettre les pieds. Une équipe semble être née ce jour-là.

Depuis, le parcours du RC Lens frôle le sans-faute. 27 matches, 14 victoires, 9 nuls et seulement 4 défaites. Sur cette période, les Artésiens disposent du deuxième meilleur bilan de la Ligue 2, avec 51 points pris sur 81 points distribués, soit 1,9 point par match, c’est tout simplement un parcours de champion. Meilleure défense sur cette période avec seulement 17 buts encaissés, le RC Lens a trouvé la bonne formule. Le onze de départ s’est alors stabilisé autour d’une colonne vertébrale : Delle-Ba-Valvidia-Cyprien-Autret-Chavarria. Quelques retouches ont été faites ces dernières semaines, pour cause de blessure. Jérémy Vachoux a réalisé un intérim gagnant, poussant sur le banc Joris Delle. Loïck Landre a profité de la longue blessure de Dusan Cvetinovic pour regagner sa place. Tandis que, Jean-Philippe Gbamin a pris le relais de Pierrick Valdivia, blessé jusqu’à la fin de saison.

Cette stabilité a conduit le RC Lens vers les sommets, permettant aux supporters de rêver de nouveau à la Ligue 1. Pour autant, faut-il tout oublier sous prétexte que la situation s’est améliorée ?

Ensemble, tout devient possible

Si l’histoire récente du RC Lens était une fiction, ses scénaristes auraient déjà reçu une montagne de récompense. Plus fort que Dallas, plus imprévisible que Revenge,Dallens tient tout le monde en haleine depuis près de deux ans. Du refus de montée mentionné par la DNCG en juillet 2014 jusqu’à l’annonce des deux offres d’achat reçues en avril 2016, le RC Lens est passé par toutes les émotions. Rien que cette saison, le club en a fait vivre des vertes et des non moins mûres à ses supporters.

Pourtant, aujourd’hui rien ne semble indiquer cela. Bollaert résonne de nouveau comme à ses plus belles heures, les rapports entre joueurs et supporters sont au beau fixe, les dirigeants de nouveau à l’abri de toute critique les soirs de match. Les supporters lensois seraient-ils atteints d’amnésie partielle ? Des cas d’Alzheimer auraient-ils été diagnostiqués chez certains ? La question mérite d’être posée. Certes, la situation sportive plaide à l’optimisme et nécessite une certaine « Union sacrée ». Le sportif aurait donc le pouvoir, la vertu, de tout faire oublier, de mettre en sommeil toutes les revendications ? Un peu à l’image de l’argent dans la vie de tous les jours ? Les supporters seraient donc versatiles ? C’est sans doute oublier que la conviction est la volonté humaine arrivée à sa plus grande puissance. Dans ce contexte, abandonner ou mettre en sommeil ses convictions  tendrait donc à rendre illégitime le combat mené jusqu’ici. Les supporters réaliseraient donc le tour de force de se décrédibiliser eux-mêmes ? A l’image du citoyen qui monte au créneau face à un élu pris la main dans le pot de confiture, mais qui est complice de sa réélection quelques mois plus tard. Symbole du paradoxe de la nature humaine.

La force tranquille (ou presque)

Les victoires ont donc eu le pouvoir de faire oublier la fuite en avant de nombreux joueurs le soir de RC Lens - Le Havre (0-4). Une minorité de joueurs a alors eu le courage de faire face au mécontentement du kop, dont Stéphane Besle qui a eu la force de prendre la parole, tandis que d’autres tournaient les talons pour rentrer aux vestiaires. Celui qui a été poussé dehors fin décembre avait alors affirmé qu’il fallait « assumer ». Assumer, c’est une chose que les responsables lensois ont rarement fait ces derniers temps. Au lendemain des incidents du Havre, Gervais Martel a pris la décision d’interdire l’accès au stade Bollaert-Delelis à l’ensemble des membres des Red Tigers, sans même s’entretenir avec les principaux concernés. Une décision que certains justifieront par le principe de précaution. D’autres affirmeront qu’un groupe tout entier a été condamné pour les agissements d’une ultra-minorité. Nous ne reviendrons pas sur la légalité de cette prise de décision, ni sur les multiples interdictions de déplacement. 

Nous ne reviendrons pas non plus sur la communication à l’emporte-pièce de Gervais Martel. La première semaine de janvier doit être différente dans le calendrier martelien. Nous ne reviendrons pas non plus sur cette mystique conférence de presse un dimanche après-midi de février. Tout cela semble avoir été oublié à l’aune d’un retour en Ligue 1. Les entraînements fermés au public pendant une grande partie de la saison, les menaces d’Antoine Kombouaré à l’encontre de certains journalistes appartiennent également à un passé qui serait donc révolu.

Un homme neuf, un club en marche ?

Le problème est qu’aujourd’hui la promesse d’un avenir meilleur semble faire oublier que l’avenir du RC Lens pourrait finalement être assez similaire à son présent. Aujourd’hui, personne ne se pose de questions sur la provenance des fonds de Charles-Kader Gooré. A partir du moment où une solution est trouvée, qu’importe la légalité des fonds ou bien la motivation du futur propriétaire. Comme si l’expérience Mammadov n’avait pas vacciné les supporters lensois. Le potentiel maintien de Gervais Martel dans le futur organigramme du club ne semble pas non plus poser problème. Lui, l'un des responsables de la descente aux enfers du club artésien. Quant à l’avenir d’Antoine Kombouaré, il pourrait se poursuivre en Artois en cas de montée. Lui qui voulait à tout prix quitter le navire la saison dernière, lui qui n’a jamais assumé ses responsabilités devant les supporters, lui qui attend juste qu’un nouveau défi se propose à lui pour plier bagage.

Rêver est important, cela peut même être un moteur pour certains. La belle saison des joueurs est incontestable, ils méritent d'être soutenus. Pour autant, le rêve ne doit pas faire oublier la réalité, surtout quand le diable est dans les détails. Et comme le rappelle François Raux, « la séduction a toujours été une histoire de manipulation ». A vous de voir si vous souhaitez vous laisser séduire. A ce stade de l’histoire du club, se poser cette question est loin d’être un détail. 


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