Gervais Martel poussé vers la sortie, mais...
Au début de l'été, le RC Lens a de nouveau fait les gros titres. L'enjeu était de savoir dans quelle division le club du bassin minier allait évoluer et surtout avec quelles marges de manœuvre. En apparence, Gervais Martel était sorti vainqueur de ce combat, avec le maintien de son club en Ligue 2. Cependant, en coulisses, une autre bataille se jouait déjà, avec en trame de fond, l'éviction de l'emblématique président lensois.
Un plan B plus que jamais d'actualité
Le 23 juin dernier, la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) décide de maintenir le RC Lens au sein du championnat de France de Ligue 2. Une décision surprenante pour les personnes ayant travaillé de près sur le dossier. En effet, le 17 mai dernier, nous affirmions sur MadeInLensque le RC Lens se dirigeait vers une situation de blocage. En délicatesse dans son pays, Hafiz Mammadov n'était plus en mesure de respecter ses engagements à l'égard du club artésien. De son côté, Gervais Martel était incapable de mettre la main sur un nouvel investisseur à même de se substituer au mécène azéri. Surtout, les relations entre les deux hommes étaient très tendues. Le milliardaire azéri ne pardonnant pas à Gervais Martel d'avoir tenté de le doubler quelques mois plus tôt, ce dernier souhaitant s'engouffrer dans la brèche afin d'éjecter Mammadov. Or, Martel avait besoin de l'accord du propriétaire pour ouvrir le capital du club. Le refus de Mammadov représente la première situation de blocage.
Or, le jour même de cette audition devant la DNCG, nous avons eu écho du rôle majeur joué par Daniel Percheron dans cette conclusion heureuse. Le président socialiste du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais avait accompagné - au dernier moment et à la surprise générale - Gervais Martel lors de cette audition décisive devant la DNCG. A l'époque, le président lensois affirmait que Daniel Percheron l'avait accompagné « en tant que représentant des collectivités locales qui ont pris en charge la rénovation du stade". Or, Daniel Percheron a joué un rôle bien plus important, puisqu'il était venu afin de présenter le "plan B", à savoir la mise en place « d'un nouveau plan de gouvernance du RC Lens qui serait simplifié. » Lors d'une conférence de presse organisait le 25 juin dernier, Gervais Martel a été interrogé sur l'existence de ce plan B, mais ce dernier avait nié son existence. Or, aujourd'hui, nous pouvons l'affirmer sans le moindre doute, c'est grâce à l'intervention de Daniel Percheron que le RC Lens a été maintenu en Ligue 2.
Depuis, le président du Conseil régional poursuit son travail de l'ombre afin de tenir la promesse faite à la DNCG, à savoir la mise en place de ce nouveau plan de gouvernance au 31 octobre prochain. Pour cela, il était indispensable qu'Hafiz Mammadov, qui possède 99,9 des parts de RCL Holding, accepte une ouverture de capital. Dans le cadre de l'émission Lundi, c'est Foot aussi sur France Bleu Nord, Daniel Percheron a fait le point sur la situation, « J’ai pris l’avion la semaine dernière en accord avec l’ambassadeur de France. J’ai rencontré Monsieur Mammadov. J’avais trois choses à lui dire par rapport à la DNCG. Je l’ai remercié d’avoir investi 24 millions d’euros en 14 mois. Après j’ai évoqué le fait qu’il soit le propriétaire du stade jusqu’en 2052 et par conséquent, je l’ai invité à venir voir le nouveau Bollaert. Troisièmement, je lui ai demandé d’ouvrir le capital du club, d’ouvrir la gouvernance aux forces vives du territoire. Sa réponse fut positive. Sur l’ouverture, il a donné son accord. » Concrètement, Mammadov céderait 1% de la Holding, ce qui permettrait à Daniel Percheron de mettre en place le plan B, en créant un actionnariat public, et, donc une coopérative d'intérêt collectif. Désormais, il ne demeure qu'un seul frein à l'ouverture de capital, Gervais Martel. Le président du Racing dispose seulement de 0,01% du capital, mais de 40% des voix au conseil d'administration et surtout d'une minorité de blocage, lui permettant de s'opposer à toute ouverture de capital.
Un axe Percheron/Mammadov contre Martel
De l'extérieur, il peut apparaître surprenant qu'en une seule rencontre, Daniel Percheron ait réussi à convaincre Hafiz Mammadov, là où Gervais Martel a échoué à maintes reprises. En réalité, cela symbolise la rupture totale et consommée entre les deux hommes. Aujourd'hui, le mécène azéri ne veut plus entendre parler de son partenaire. Si bien qu'il voit à travers le plan proposé par Daniel Percheron, la possibilité de sortir du jeu son adversaire. Hafiz Mammadov n'a officiellement jamais été opposé à une ouverture du capital de RCL Holding, mais il a toujours refusé que cette ouverture de capital profite à Gervais Martel. Or, la mise en place d'une coopération d'intérêt collectif signifie la fin de l'ère Martel. En effet, le groupe d'investisseurs locaux ne désire pas entrer le capital si le président lensois reste à la tête du navire. En phase de réhabilitation dans son pays, Hafiz Mammadov se trouve de nouveau en position de force si son retour en grâce se confirme. Une coalition avec le président du Conseil Régional représente une option séduisante pour mettre Martel "échec et mat". Quant à Daniel Percheron, s'il a dans un premier temps donné le sentiment d'être un soutien du président lensois, c'était en réalité pour assurer l'avenir à court terme du club artésien.
Mais, Gervais Martel ne compte pas en rester là. Isolé depuis de nombreux mois, il compte bien continuer à faire cavalier seul, son propre destin étant en jeu. Le club a donc réagi ce mercredi par le biais d'un communiqué diffusé sur son site officiel. Dans un premier temps semble se satisfaire du dialogue instauré entre Daniel Percheron et Hafiz Mammadov, tout en laissant imaginer que Daniel Percheron ne dispose pas de l'ensemble des informations nécessaires à la bonne compréhension du dossier. « Le Président Gervais Martel se félicite de la démarche entreprise par M. Daniel Percheron auprès de M. Hafiz Mammadov, actionnaire principal du club, malheureusement dans l’incapacité de faire face à ses engagements écrits et verbaux depuis plus d’un an, et ce malgré son fort investissement initial. Il tient à la disposition de M. Daniel Percheron l’ensemble des éléments juridiques et financiers lui permettant de mieux apprécier la situation du club, qui a effectivement été maintenue à flot pendant cette « absence » sans aucun concours bancaire ni actionnarial." Gervais Martel regrette rapidement ne pas avoir été associé à la démarche. "Il trouve néanmoins surprenant que cette démarche ait pu avoir lieu sans qu’il en ait été informé au préalable par M. Daniel Percheron, a fortiori en présence d’un ancien salarié du club. (Xavier Thuilot, ex-directeur général adjoint du club). » Le président lensois surenchérit en affirmant ses doutes à propos de l'accord évoqué par Daniel Percheron.« Néanmoins, et dans l’hypothèse où cette rencontre ne déboucherait sur rien de précis ni de concret pour améliorer la situation juridique ou financière du club, Gervais Martel a décidé de poursuivre ses efforts et ses démarches afin de sortir le RC Lens de cette impasse. »
Par le biais de ce communiqué, le message envoyé par Gervais Martel est clair, il ne cédera pas aussi facilement. En outre, il espère toujours être le sauveur, en sortant le club de la situation dans laquelle il l'a lui-même plongé. Trois mois après avoir été partenaires devant la DNCG, Daniel Percheron et Gervais Martel sont désormais adversaires. L'enjeu est clair, être l'homme fort du RC Lens. S'il s'en défend, Daniel Percheron jouera bien un rôle majeur dès janvier prochain. Pierre angulaire du plan B, il aspire à exercer de hautes responsabilités, peut-être même la plus haute, en succédant à Gervais Martel. En ce sens, Hafiz Mammadov et Daniel Percheron deviennent des alliés de circonstance. Pour le premier, la mise en place d'une coopération d'intérêt collectif, à hauteur de 1% du capital, permet d'instaurer un contre-pouvoir à Gervais Martel, et ainsi le sortir du jeu avant une revente de l'ensemble de ses parts. Pour le second, en s'assurant le soutien d'Hafiz Mammadov et surtout en plaçant Gervais Martel dos au mur, il dispose désormais du dernier élément lui permettant de mettre en oeuvre son plan d'action. Si tout le sens de son interview accordée, lundi, à France Bleu Nord, en proposant une alternative crédible et en réhabilitant Hafiz Mammadov, Daniel Percheron place Gervais Martel face à ses responsabilités. A lui de voir s'il désire désormais endosser le mauvais rôle en étant l'homme qui empêchera le RC Lens de sortir la tête de l'eau, ou bien s'il acceptera de quitter le navire, certes par la petite porte, mais l'honneur sauf.
Gervais Martel a donc les cartes en main, mais tout le monde connaît le jeu de chacun des protagonistes. Il sait également que le peuple lensois ne lui pardonnera pas s'il fait capoter cette partie de poker menteur. Les jeux sont faits, et en attendant rien ne va plus au RC Lens.
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