1997-1998 - le RC Lens en route vers le titre : épisode 4 - Aboubacar Sankharé
Il y a 20 ans, le RC Lens sortait d'une saison calamiteuse et se trouvait à l'aube d'une saison fantastique à l'issue de laquelle les Sang et Or arrachaient le titre de champion de France à Auxerre.
Pour fêter les 20 ans de cette saison exceptionnelle, MadeInLens.com vous propose de vous replonger dans cette saison au travers d'une série d'articles qui vous feront revivre les moments-clés de ce championnat.
Pour ce quatrième épisode de notre série « 1997-1998 - le RC Lens en route vers le titre », nous avons voulu donner la parole à Aboubacar Sankharé, la « surprise » de Daniel Leclercq pour le match RC Lens - Auxerre. A 19 ans, le jeune latéral gauche disputait son premier match professionnel au stade Bollaert-Delelis, livrant une prestation très solide. Vingt ans après, celui qui occupe actuellement le rôle de manager général du club de Villeneuve d'Ascq revient sur cette rencontre qui a marqué sa carrière.
L'interview d'Aboubacar Sankharé, la « surprise » de Daniel Leclercq pour RC Lens - Auxerre
Pour son premier match de la saison de Ligue 1 en 1997-98, le RC Lens recevait l’AJ Auxerre au stade Bollaert. Quels souvenirs as-tu de ce premier match ?
« Quand vous jouez le premier match, ça a une saveur particulière. Je ne m’y attendais pas du tout la semaine avant. Et quand, 24 heures avant le match sur la mise en place que je suis avec les « anciens », je ne comprends pas trop ce qui se passe. Même si Yoann Lachor était, il me semble, à l’armée, il y avait d’autres solutions. Mais Daniel Leclercq, à l’époque, a eu un feeling sur les matchs de préparation. J’avais été sérieux et il m’a donné l’opportunité de jouer le premier match. Ça a été, encore jusqu’à maintenant, incroyable. Même si j’ai déjà revu Daniel Leclercq sur les terrains, comme je suis entraîneur et manager général à Villeneuve d’Ascq et qu’il était à Arleux-Féchain puis à Douai, on n’a jamais vraiment l’occasion de parler de ce match, de l’opportunité qu’il m’a donnée. J’avais 19 ans… Aujourd’hui, c’est souvent plus facile de sortir des jeunes joueurs mais, à l’époque, c’était très compliqué de jouer un match en Ligue 1. La surprise a été de taille. Le samedi, à 15-16h, quand j’ai vu mon nom affiché avec les titulaires, ça a été une surprise, une grande émotion et beaucoup à gérer pour un jeune de 19 ans. »
En 1996-97, le RC Lens avait éprouvé les plus rudes difficultés pour se maintenir, au terme d’une saison agitée au niveau sportif et extrasportif. Après une saison pourrie, ressentait-on de la tension dans le vestiaire lensois ?
« Non, il n’y avait pas tension ou d’inquiétude particulière avant ce premier match. Avec ma petite expérience de l’époque et avec celle que j’ai aujourd’hui, tous ces joueurs qui sortaient d’une saison compliquée voulaient se racheter. Le discours de Daniel Leclercq a été un moteur pour la saison. Ils étaient très revanchards. Moi, j’arrivais sur la pointe des pieds avec d’autres, comme Romain Pitau… C’était notre galaxie, notre univers. J’ai été très bien accueilli par les anciens. J’ai été formé au centre de formation de Lens, j’avais vécu la finale de Gambardella un ou deux ans que je n’avais pas pu la jouer à cause d’une fracture. J’arrivais dans le groupe avec des anciens, des piliers. Stéphane Ziani et Anto Drobnjak nous avaient rejoints et la préparation s’était bien passée. On ne partait pas dans l’inconnu car il y avait des bases solides. J’étais encadré, je faisais mon petit bonhomme de chemin : j’écoutais, j’apprenais et me nourrissais de leur expérience. »
Sur le côté gauche, à la 14e minute, tu es à la finition de l’action sur l’ouverture du score, conclue finalement de la tête par Franck Sylvestre contre son camp et qui lance la saison du RC Lens…
« C’est ce que Daniel Leclercq m’a dit. Il m’avait confié : « Si tu n’avais pas marqué, la saison n’aurait peut-être pas été comme celle-là » et cela m’avait touché. J’ai apporté ma pierre à l’édifice, même si je n’ai pas enchaîné et n’ai fait que quelques matchs. Un collectif a besoin de tout son effectif. Ce but a déclenché la saison. Moi qui suit entraîneur en DHR, je peux comprendre qu’après une saison pourrie, qu’on parte un peu dans l’inconnu et qu’on affronte Auxerre, une équipe de « haute volée » avec des Moussa Saïb, Bernard Diomède, Sabri Lamouchi, Lionel Charbonnier, Franck Sylvestre, Stéphane Guivarc’h, Yann Lachuer…, gagner sur un score fleuve de 3-0 a été un départ initiateur de bonnes choses. »
Après ce match, tu joues finalement très peu…
« Après ce match, on m’a moins vu, ce sont les aléas d’une saison et les choix de l’entraîneur. Je n’ai jamais eu l’occasion d’en reparler avec Daniel Leclercq. Il a préféré d’autres choix et il faut respecter les choix du coach. Aujourd’hui, étant entraîneur, je ne vais pas dénigrer le coach qui m’a donné l’opportunité de jouer. Je ne le cache pas : c’est lui qui m’a fait monter dans toutes les catégories, où j’ai été surclassé, qui m’a fait faire mes apparitions en Ligue 1 et en Ligue des Champions. Je ne peux être que reconnaissant de ce qu’il a fait pour moi. »
A partir de quel moment as-tu senti, dans le groupe lensois, que le titre était jouable ?
« Ça a été sur la phase retour car, à mi-parcours, on était à la 5e ou 6e place. Il y a eu un élément déclencheur qui a été la confiance engrangée dans l’enchaînement des matchs et des victoires dans le sprint final. Je l’ai vu à l’entraînement : il y avait plus de sérénité, de maîtrise dans le jeu. Ça se jouait dans des détails et, si on a été champion de France, c’est pour cela, parce que les joueurs ont pris conscience de leurs capacités, de leurs qualités au niveau du collectif et individuel. Après, à ce niveau-là, quand vous avez ce petit brin de réussite qui ne vous fuit pas, c’est bon. Entre la réussite et l’échec, il y a un fleuve et, nous, on était du côté de la réussite cette année-là. Tout nous réussissait et ça a fini avec le titre. »
Après le titre de champion de France, tu restes au RC Lens jusqu’en décembre 1998 avant d’être prêté à Toulouse jusque la fin de saison. Pour quelles raisons ?
« Je ne suis pas resté au Racing, j’ai été prêté à Toulouse sur la deuxième partie du championnat. Etait-ce un regret ? Je ne sais pas, car je ne jouais pas énormément. Dans mon malheur, je me dis que j’ai joué au Téfécé, ce qui m’a permis d’enchaîner des matchs en Ligue 1. Si j’avais été plus patient à Lens, j’aurais peut-être joué plus… Avec plus d’expérience, je me dis que mon heure aurait pu arriver… J’aurais dû attendre un peu plus car j’aurais eu la possibilité de jouer au RC Lens et que ma carrière aurait pris un autre virage. Mais c’est la jeunesse qui a prévalu. C’est que le destin devait être comme ça. Après Toulouse, j’ai joué à Créteil en Ligue 2, avec plusieurs entraîneurs comme Laurent Roussey, Eric Croci, Luc Sonor et Ladislas Lozano. Ensuite, je suis parti en Italie à Catane, en Rouamnie à Timisoara, en Allemagne à Düsseldorf et en Espagne à Murcie. »
C’est finalement un beau parcours…
« C’est un beau parcours et j’en suis extrêmement content, tant au niveau footballistique qu’humain. Ça m’a permis de connaître des gens, d’autres pays, d’autres cultures, de me forger en tant qu’homme. Je suis parti très jeune à l’étranger, à 23 ans. Ça m’a permis de découvrir autre chose que le football français et, aujourd’hui, je me nourris de mes expériences pour donner à mes joueurs mon vécu d’ancien joueur professionnel. J’ai eu de grands entraîneurs : Daniel Leclercq, Graziani (champion du monde avec l’Italie) à Catane, Thomas Berthold (champion du monde 1990 avec l’Allemagne) en Allemagne, Guy Lacombe… J’ai eu des coachs qui m’ont inculqué des valeurs humaines, footballistiques qui m’ont permis d’avancer. »
En janvier 2009, à 31 ans, tu rejoins finalement Villeneuve d’Ascq, où tu es devenu entraîneur et manager par la suite. Pourquoi un tel choix ?
« Cela va faire huit ans et j’attaque ma neuvième saison. J’y suis arrivé en tant que simple joueur, par le biais de mon ancien président Didier Picot, qui m’avait donné l’opportunité de prendre le club en tant qu’ancien joueur professionnel. Il m’avait donné le libre choix. J’y suis arrivé à 29-30 ans, j’arrivais en fin de parcours. J’avais des opportunités mais le football ne me donnait plus envie. Il m’a redonné la flamme et j’ai retrouvé les valeurs qui font que je suis arrivé au RC Lens : des valeurs humaines, de l’entraide… Il m’a donné la chance de joueur, puis d’être entraîneur-joueur, puis manager général. Depuis six ans, j’essaie de faire évoluer le club. L’objectif est d’arriver dans les niveaux de National 3, voire 2. On est dans une ville de 60 000 habitants, à côté de Lille. La concurrence est féroce mais on avance petit à petit. On a manqué la montée de peu la saison dernière, pour un point, pour le plus haut niveau régional (l’ex-DH). On ne met pas la charrue avant les bœufs et, d’ici quelques années, on espère être au niveau de l’élite amateur, en National 2. »
Es-tu déjà revenu au stade Bollaert-Delelis ces dernières années ?
« Non, mais mes deux garçons qui me demandent souvent d’y aller. Je revois souvent Eric Sikora sur certains matchs, avec les anciens. J’y suis venu la saison passée parce que mon club avait été invité pour être partenaire. Avec mon président, j’avais vu les nouvelles installations du club. Ça fait toujours chaud au cœur de revenir là où on a été. Je suis arrivé au RC Lens quand j’avais 13 ans, j’ai été formé là-bas. Je ne l’oublierai jamais. Mes deux garçons jouent au foot et veulent aller au stade Bollaert-Delelis voir l’ambiance. Je vais y aller, car l’ambiance est extraordinaire et mes enfants doivent découvrir cela. »
Propos recueillis par Pascal Guislain (RBM 99.6FM) pour MadeInLens.com
Retrouvez l'article 1997-1998 - le RC Lens en route vers le titre : épisode 3 avec le retour sur RC Lens - Auxerre et le résumé vidéo
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