La parole à : Michel Catalano (féminines US Rouvroy) (1/2)
Sur MadeInLens, nous vous proposons régulièrement notre rubrique « La Parole à », vous permettant de retrouver des interviews de personnalités qui nous apportent leur point de vue sur le Racing Club de Lens ou le football en général.
Ce mardi, nous partons à quelques kilomètres de Lens, du coté de Rouvroy, où Michel Catalano entraîne l'équipe féminine locale qui évolue en deuxième division. Formé au RC Lens, où il a joué 176 matchs entre 1981 et 1988 avant de rejoindre Auxerre (1988-1991) et de terminer sa carrière à Nîmes (1991-1993). En 1997, il prend en main les U17 de Liévin jusque 2000 avant de rejoindre le Stade Béthune entre 2000 et 2003. C'est à cette période qu'il découvre le foot féminin, en prenant les rênes de l'équipe féminine de Bruay La Buissière avant d'entraîner Hénin-Beaumont durant quelques années.
Arrivé à Rouvroy cette saison, l'ancien latéral droit des Sang et Or évoque, dans cette première partie de l'interview, le monde du football féminin, qui va connaître des bouleversements au niveau de la deuxième division avec un resserrement de l'élite et une évolution vers des clubs pros.
Qu’est-ce qui vous a amené à devenir entraîneur pour un club de football féminin ?
« Ça remonte à 2003. En fin de contrat, je quittais Béthune, en CFA2. Bruay, qui jouait en Première Division à l’époque, recherchait un entraîneur diplômé parce qu’ils étaient pénalisés financièrement tous les mois. J’ai donné mon accord pour deux mois. A la fin de la saison, le président m’a demandé de rester. Mon équipe descendait en deuxième division. Avant tout, je me suis renseigné auprès de la FFF pour savoir comment ça se passait avec les filles. On m’a dit que c’était bien que des anciens reprennent le football féminin. Ça a commencé comme ça et puis j’ai continué avec les féminines à Hénin-Beaumont entre 2005 et 2010, puis à Rouvroy depuis 2015. »
Est-ce que vous suiviez le foot féminin avant ?
« Avant Bruay, pas du tout. Je ne connaissais pas. Je ne m’y intéressais pas du tout. Le football a bien évolué depuis. Aujourd’hui, les filles sont des athlètes. Avant, elles n’étaient pas des athlètes parce qu’elles s’entraînent comme les gars, travaillent comme eux et se prennent au sérieux. »
Quelles sont les infrastructures à votre disposition ? Sont-elles suffisantes pour un club de D1 féminine ?
« On est loin de la Gaillette ! On a des petites structures, pour un petit club de deuxième division avec peu de moyens. Un synthétique depuis cette année, un terrain en herbe pour s’entraîner et un pour les matchs de championnat. Petit club, petites structures, petites joueurs et petit entraîneur. Mais on a un bon niveau, c’est intéressant car, sinon, je ne serai pas venu. »
Ce sera difficile toutefois de rester en deuxième division.
« Les carottes sont cuites en effet. (Rouvroy est 11e sur 12, décroché au classement). Dès le début, elles étaient cuites car j’ai senti, dès le début de saison, que ce serait très difficile. Pas de recrutement, des clubs comme Templemars qui deviennent Lille, Arras qui descend de première division. Et cette réforme de la nouvelle Division 2, avec six descentes : tous les clubs huppés ont réussi à faire un bon recrutement et ont tout raflé dans la région. Qui voulait venir à Rouvroy ? Les seules qui pouvaient venir ont été demandées par des clubs à structures professionnelles. C’était impossible de les faire venir à Rouvroy. »
Au niveau des finances ?
« On a des petits moyens, avec la possibilité de faire venir des filles sous différents contrats. Mais c’était intéressant de jouer à un bon niveau et d’avoir un travail à côté. Maintenant, si une fille a le choix entre Lille et Rouvroy, elle ira à Lille. Entre Reims et Rouvroy, ce sera Reims. On n’est pas parti sur le même pied d’égalité. On a un handicap. »
Avant, dans le Nord – Pas-de-Calais, le foot féminin c’était Hénin-Beaumont et Bruay-Labuissière. Désormais, on a une multiplication des clubs avec Rouvroy, Arras, Hénin, Lillers… N’y a-t-il pas trop de clubs dans la région ?
« Non, mais il va y avoir une élite désormais puisque la FFF a décidé d’avoir une Division 2 à deux groupes, au lieu de trois, ce qui va éliminer pas mal de clubs. Les petits clubs vont descendre. Les clubs professionnels auront pou obligation d’avoir une équipe féminine à compter du 1er juillet 2017, je crois. C’est pour cela que les clubs professionnels s’allient avec les clubs amateurs (exemple du LOSC et de Templemars) pour avoir le club de football féminin. Ça pousse parce qu’il y a une obligation pour les clubs professionnels. Les petits clubs vont disparaître, quelques-uns auront un peu de chance comme Templemars de s’allier avec Lille. Ça se fera partout au niveau national. »
Rouvroy en Division 2 nationale, ce sont donc les derniers mois et on ne vous verra plus jamais à ce niveau ?
« Le club est trop vite monté, ne s’est pas structuré. Avant de penser à l’équipe première, il faut penser aux gamines, avec une école de football, des 15 ans, des 19 ans, des entraîneurs diplômés. Après, pour avoir une bonne première équipe, on a inversé les choses : on a une bonne première équipe, mais on n’a pas pensé aux étages en-dessous aujourd’hui. Il nous est difficile de faire venir des filles de bon niveau. Si on avait fait le travail à Rouvroy avec une école de football, on pourrait aller chercher dans les 19 ans. Aujourd’hui, on ne peut pas car on n’a pas de jeunes avec un bon niveau. Il faut préparer tout cela, faire les fondations avant de construire les murs. Or, il n’y a pas de fondations et le club s’écroule. On a du mal à recruter, ce sont des filles qui sont là depuis 5-6 ans mais qui, à mon avis, n’ont pas toutes le niveau pour la D2. »
Cette saison, quels étaient vos objectifs initiaux ? Est-ce qu’ils seront atteints au final ?
« Le président avait demandé de faire le maximum. Mais c’était impossible parce que l’équipe, par rapport à l’an dernier, a été diminuée et que tous les autres se sont renforcées : l’écart était encore plus important. On fait ce qu’on peut malgré tout. On arrive à faire des résultats moyens, mais on n’est pas largué quand même. Mais il nous manque quelque chose. Au mercato d’hiver, on a fait venir deux filles extérieures : Shelby McDaniel Braud (USA) et Mariah Shade (Trinidad et Tobago). Elles nous apportent énormément et, si on les avait eues en début de saison, cela aurait été peut-être différent. Mais elles n’étaient pas libres en septembre et jamais on aurait pensé faire venir deux filles d’aussi loin. On aurait plutôt pensé à recruter deux filles de la région. »
Comment trouve-t-on des joueuses étrangères comme cela ?
« C’est par le biais d’agents comme dans le football masculins. Aujourd’hui, il y a des agents pour les féminines. C’est malheureux de ne pas y avoir pensé avant et c’est difficile de faire venir des étrangères : les visas, le logement, les finances, les billets d’avion… Elles apportent énormément et ce sont de vraies compétitrices, qui ne sont pas venues du tout pour l’argent. Elles viennent parce qu’elles adorent le football, qui ont un état d’esprit différent de chez nous. Elles ont fait des milliers de kilomètres uniquement pour jouer. En cas de descentes, on ne pourra pas les garder. »
Que pensez-vous de la réorganisation de la deuxième division féminine avec les 6 relégations cette saison ?
« Je suis arrivé en début de saison et on m’a annoncé qu’il y avait une telle réforme, alors que je n’étais pas au courant. Est-ce que le club savait ? Au moins un an à l’avance, ils auraient pu l’annoncer. S’ils l’ont décidé en milieu de saison, c’est un peu dégueulasse car certains clubs n’ont pas pu se retourner et se préparer. Seuls les clubs les plus riches ont pu trouver les meilleures. Nous n’avons pas eu le temps de nous préparer. Depuis quand a été décidée cette réforme ? Je ne sais pas. C’est fait dans le but d’éliminer les petits clubs, de faire une élite et de laisser la place aux structures professionnelles. C’est dommage car plein de filles ont été formées à Rouvroy, n’ont pas touché un centime et on les a piquées du jour au lendemain, sans rien donner aux clubs amateurs qui les ont formées et préparées. Après, pour le football féminin, ce sera peut-être bien. Avant, il y avait un fossé énorme entre la D2 et la D1. Aujourd’hui, le niveau de la D2 est relevé : il y a de bonnes équipes, de bonnes joueuses.
Aujourd’hui, Lillers, Rouvroy, Bischeim, Sant-Denis, peut-être Hénin-Beaumont et Nancy peuvent descendre. Hénin peut encore se sauver, mais ce sera dur de finir 6e. Il restera Arras (en tête, qui peut monter), Metz, Vendenheim, Val d’Orge, Reims et le LOSC.
Là, on ne sait pas si on descendra en DH ou DHR. Mais il faudra reconstruire et ça ne nous interdit pas de jouer pour remonter. »
Il y a 15 jours, vous avez rencontré Arras, entraîné par Daniel Drawczyk, avec une victoire 0-1 d’Arras.
« Cela aurait pu faire 1-1 ou 0-4. J’ai retrouvé Daniel Krawczyk. Lui réussit bien, avec un club avec une bonne ossature, qui descend de D1, qui s’est renforcé avec 2-3 filles de bon niveau. Ça fonctionne bien. Daniel découvre le foot féminin et prend du plaisir. »
Propos recueillis par Pascal Guislain
Commenter cette actualité (...)