Exclu MadeInLens : Une situation de blocage en vue pour le 26 mai
Le 26 mai prochain, le RC Lens passera (pour la première fois de l'intersaison) devant la Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG). L'objectif de cette audition est double : présenter les comptes du club pour l'exercice en cours, mais aussi le budget du Racing Club de Lens pour la saison à venir, en Ligue 2. Si Gervais Martel s'est montré particulièrement optimiste dans une interview accordée à l'hebdomadaire France Football cette semaine, nos informations sont au contraire plutôt alarmantes.
Le Racing Club de Lens est dans le viseur de la DNCG
Comme l'a révélé le quotidien L'Equipe, dans son édition de jeudi dernier, le président lensois a bien été auditionné par le magistrat instructeur de la DNCG dans le cadre d'une enquête ouverte au début du mois sur l'authenticité de certains documents fournis par le président des Sang et Or à l'instance, l'été dernier. Principal document remis en cause par le gendarme financier : la garantie à première demande fournie par la Bank of Azerbaijan. Ce document, qui a longtemps été présenté par Gervais Martel comme une bouée de sauvetage, n'a finalement pas pu être utilisé puisque cette garantie n'a jamais été levée.
Dans le cas de figure où le président lensois aurait eu recours à une falsification de document et surtout à l'usage de faux, la sanction devrait être indivuelle et ainsi ne pas concerner le club comme l'a déjà affirmé Richard Olivier (président en retrait de la DNCG) dans le cadre d'une interview accordée au journal L'Equipe le 5 mai dernier : «Nous prendrons les décisions qui s'imposent, qu'il s'agisse d'une amende ou de l'interdiction de gérer un club pour les dirigeants. L'idée est de prendre des sanctions contre les dirigeants plutôt que contre les clubs, qui ont déjà souffert. »
Surtout, le président de la DNCG a peu goûté aux différents recours utilisé par le RC Lens l'été dernier, toujours dans le cadre de l'interview accordée au quotidien L'Equipe le 5 mai dernier : « Le comex aurait meux fait de nous écouter, mais il avait le droit de se ranger derrière l'avis du CNOSF. La procédure a été respectée. Au nom de l'intérêt supérieur du football français, ils ont décidé de maintenir Lens. Cette procédure (qui permet, après l'avis du CNOSF, de passer outre les décisions de la DNCG) est malsaine. Elle devait être modifiée (par le Ministère des Sports) mais on croit savoir qu'elle va finalement être maintenue. On va donc toujours pouvoir s'asseoir sur l'avis de la DNCG et décider en fonction du propre sentiment du comex... Dans cette affaire, ce qui n'est pas tout à fait normal, c'est que le conciliateur s'est basé sur une promesse de l'arrivée de 4 millions d'Euros... On en vient au problème qui s'est souvent posé cette saison, avec des chiffres avancés qui n'ont jamais été étayés par des documents véridiques. C'est pour cela que nous avons poursuivi les deux présidents de club afin de vérifier que ce qu'ils nous ont dit était vrai. »
Discréditée par l'avis positif rendu par le CNOSF et validé par le Conseil Fédéral de la FFF, la DNCG attend au tournant la direction du club artésien lors de son passage devant la commission dans un peu moins de dix jours. Même si Richard Olivier a décidé de se mettre en retrait de l'instance afin « de ne pas risquer d'affaiblir la procédure ». L'instance ne fera aucun cadeau au club artésien : elle entend obtenir des documents incontestables en mesure de prouver chaque élément avancé par les représentants du club. En clair, Gervais Martel devra présenter un dossier totalement bétonné s'il veut passer sans encombre l'étape de la DNCG. Sans ça, il ne fait aucun doute sur le fait que le club sera rétrogradé administrativement et à titre conservatoire en National pour « non justification d'un apport financier nécessaire ».
15 millions ? Vraiment ?
Dans le cadre de son interview accordée à l'hebdomadaire France Football, Gervais Martel se montre particulièrement optimiste en affirmant notamment avoir trouvé un investisseur européen pour sauver le club Sang et Or du marasme financier dans lequel il se trouve depuis bien longtemps « Ce qui est important, c’est que j’apporte la garantie à la DNCG que j’ai bien 15 M € bloqués sur un compte pour assurer la survie du club. Et je vais les amener ces 15 millions ! ». Alors que l'emblématique président artésien apparaît catégorique, nos informations nous amènent à rester beaucoup plus mesuré. A ce jour, Gervais Martel ne dispose d'aucun accord écrit à propos de ces 15 millions d'euros. S'il est vrai qu'il a renoué le contact avec de potentiels investisseurs européens, que ce soit à Londres, en Suisse et surtout en Belgique, il ne dispose pas encore de la somme nécessaire afin de boucler les comptes du club.
En effet, aujourd'hui aucun investisseur potentiel ne désire rentrer au capital du club dans l'état actuel des choses. C'est la raison de la fin prématurée du dialogue avec les investisseurs anglais et suisses. Si le Racing Club de Lens intéresse toujours les investisseurs, la défiance à l'égard du duo Martel-Mammadov est aujourd'hui trop importante. Surtout, il ne faut pas oublier que Hafiz Mammadov par le biais de Baghlan Groupe qui possède actuellement 99.99% du capital de RCL Holding, contre 0.01% pour GIM2, une entreprise gérée par Gervais Martel. L'homme d'affaires d'azéri est donc le seul maître à bord et une quelconque arrivée de fonds ne peut être faite sans sa validation. Or, on imagine mal Mammadov, en situation délicate en Azerbaijan, accepter une dilution de ses parts au sein de "RCL Holding". Et même si le "mécène" azéri se retrouve en situation de "défaillance", aucune "clause d'exclusion" ne le contraint à sortir du capital pour "non-respect de ses engagements". Enfin, la rupture entre Mammadov et Martel est consommée depuis bientôt longtemps et le premier ne fera aucun cadeau au second, quitte à bloquer purement et simplement la situation.
Si Gervais Martel finalise la levée des fonds avant le 26 mai prochain, il ne lui reste alors que deux possibilités à sa disposition. La première, celle à laquelle il refuse même d'y réfléchir, un potentiel dépôt de bilan "contraint" en raison du véto de l'homme d'affaires azéri. Cette première hypothèse validerait la rétrogradation administrative - au minimum - du RC Lens en National en fonction du plan de financement présenté devant la DNCG. Cela signifierait également la perte du statut professionnel et le licenciement de nombreux salariés du club. L'autre hypothèse, est celle avancée par Yann Fossurier, journaliste à France 3 Nord-Pas-de-Calais, à savoir une capitalisation par le biais d'une convention entre GIM2 et RCL Holding. En effet, si Gervais Martel ne possède que 0,01% des parts du club, les statuts du RCL Holding confirment qu'il dispose de 40% des votes. Ce qui lui donne une certaine marge de manoeuvre, cependant insuffisante pour la montée dans le capital, puisque celle-ci reste conditionnée à de l'actionnaire majoritaire, Hafiz Mammadov. Comme le confirme l'enquête de France 3 Nord-Pas-de-Calais, le versement peut donc uniquement être réalisé en compte courant si l'on se réfère à l'article 17.2 des statuts prévoit que le commissaire aux comptes ou "le président de la Société" puisse présenter aux associés des "conventions (...) entre la Société et son président, l'un de ses dirigeants ou l'un des associés disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10%". Cependant, cette convention doit être validée par l'ensemble des associés : or Hafiz Mammadov possède bien 60% des votes et peut une nouvelle fois y opposer son veto.
Puis, n'oublions pas que le passage devant la DNCG doit avoir lieu dans moins de dix jours. Or, on imagine mal un tel montage financier être finalisé en si peu de temps, surtout que les 15 millions d'euros ne sont pas encore à la disposition de Gervais Martel. Seule solution pour éviter une relégation administrative le 26 mai : une demande de report auprès de l'instance de régulation.
Un été qui s'annonce crucial pour le RC Lens
En effet, les discussions entre Gervais Martel et le potentiel investisseur européen sont aujourd'hui au point mort. Ce dernier est disposé à aider le club du Bassin minier à une seule condition : la promesse d'entrer au sein du capital à court terme. Or, aujourd'hui, Gervais Martel est incapable d'assurer un tel destin à son interlocuteur. Sans un miracle la semaine prochaine, le président lensois devrait donc se présenter devant la DNCG avec un bilan déficitaire pour l'exercice en cours et un budget non finalisé pour la saison prochaine. Difficile d'imaginer une sentence positive dans un tel contexte.
Si Lens fera sans aucun doute appel de la première décision rendue par la DNCG, le chemin vers la Ligue 2 sera parsemé d'embûches. Puisque, sans évolution positive, la Commission d'appel, qui siège à la FFF confirmera la décision rendue par l'organe de régulation financière des compétitions du football français. Tandis que le CNOSF, qui a peu apprécié s'être fait berner l'été dernier, ne devrait pas venir au secours du RC Lens, tant la défiance à l'égard de ses dirigeants est grande. Le club pourrait alors se pourvoir devant le tribunal administratif, sans certitude que la décision sera rendue avant la reprise des différents championnats.
En résumé, les supporters lensois devraient encore vivre un été stressant et particulièrement incertain. A moins que la situation se décante assez rapidement, c'est tout ce que l'on souhaite pour l'avenir du club, alors que celui-ci est aujourd'hui clairement menacé.
Romain PECHON
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