En plein dans le MiL : Écrivons un nouveau chapitre
C’est le cœur gros que je prends la plume (le clavier) au moment d’écrire mon édito.
Gros, en raison de la situation sportive du RC Lens, réduit en miettes dimanche soir face à l’Olympique de Marseille. Gros, en raison de la déroute vécue par le peuple lensois en tribunes face à des Marseillais en surnombre et surmotivés dans ce stade de France froid et austère, à mille lieues de l’accueillant et bouillant Bollaert. Plus qu’un simple match, ce nouvel affront, déjà le dix-septième de la saison, symbolise pleinement le chemin de croix des Lensois en cet exercice 2014/2015.
L’espoir entretenu par une solide première période a vite cédé place à la désillusion d’une deuxième période complètement ratée. Vaillants et téméraires, les jeunes Lensois restent pour autant bien trop justes pour tenir la dragée haute sur l’ensemble d’une saison de Ligue 1. Mais au-delà de la situation sportive, c’est surtout l’extrasportif qui inquiète, à juste titre, les supporters artésiens.
Gervais Martel, un dirigeant dépassé ?
Quand on parle du RC Lens, on associe continuellement le club à son emblématique président, Gervais Martel. À la tête du club depuis août 1988 (à l’exception d’un intermède d’un an entre juillet 2012 et 2013), celui qui déclarait le 9 mai 1998, jour de titre de champion de Ligue 1 : « Dans ma vie, il m’est arrivé de faire des conneries. Mais j’ai toujours bossé pour que le Racing devienne grand », a tout connu à la tête du Racing, du succès des années 1990 et de la première moitié des années 2000, jusqu’à la descente aux enfers au tournant des années 2010. Surtout, le parcours personnel de l’enfant d’Oignies a été complètement calqué sur celui de son « club ».
D’acteur incontournable du football français, en étant notamment le président de l’Union patronale des clubs professionnels de football (UCPF) entre 1993 et 2008, il est aujourd’hui devenu le symbole de l’échec d’un modèle économique et stratégique dépassé touchant de plus en plus de clubs français. Au-delà, de ses difficultés personnelles dans le monde de l’entreprise, c’est sa crédibilité de dirigeant du RC Lens qui en a encore pris un coup ces derniers mois, principalement en raison de ses nombreux atermoiements sur le déblocage de la situation lensoise. Longtemps soutenu par les supporters du club, Gervais Martel est en train de perdre l’adhésion d’une grande partie d’entre eux. Sa gestion de la « crise », sa communication et le comportement de son entourage sont plus que jamais remis en cause.
Si cette rupture entre direction et supporters est autant consommée, c’est aussi et surtout parce qu’en l’espace de huit ans, le club est passé de place forte du football français (quatrième budget de l’élite, régulièrement qualifié pour la Coupe d’Europe) à un club de seconde zone qui peine tant sur le plan sportif que sur le plan financier. Des difficultés qui s’accroissent en raison d’une gestion calamiteuse et de choix plus que contestables. De la défaite fatale à Troyes en mai 2007 jusqu’à la remontée acquise à Bastia en mai 2014, Lens a traversé sept saisons parsemées de nombreux mauvais choix et d’orientations ratées.
Mauvais choix d’entraîneurs, augmentation non raisonnée de salaires des joueurs, erreurs de casting en matière de recrutement ... je passe, tellement la liste est longue. Gervais Martel a multiplié les mauvaises décisions précipitant son club en enfer au terme de la saison 2007/2008. Et malgré une remontée immédiate, le Racing Club de Lens n’a pas su se restructurer afin de permettre au club de s’inscrire sur le long terme au sein de l’élite. C’est ainsi que, sur les sept dernières années, Lens va connaître sa troisième descente en quatre saisons de Ligue 1, le tout avec le même homme à la tête du navire. Quel autre chef d’entreprise en situation d’échec, ayant à sa disposition des moyens identiques, pourrait rester aussi longtemps en place sans aucune remise en cause ? Aucun. Et pourtant, le boss lensois s’accroche toujours à poste, car son salut personnel passe par là, encore une fois.
Le salut du club passe par une réelle révolution
Or, aujourd’hui, Lens a besoin de repartir sur un nouveau cycle, avec de nouveaux hommes, de nouvelles ambitions, en sorte un nouveau projet ex nihilo (à partir de rien). Car, depuis une décennie, Lens est dans le bricolage. Au final, Lens perd du temps dans sa reconstruction. Alors qu’il faudrait accepter de sauter pour mieux rebondir, les dirigeants lensois adoptent une stratégie d’attente et de maintien d’un état de fait qui mène le club à sa perte en espérant être sauvé par un miracle.
Ce miracle a semblé avoir une existence réelle, une identité, un visage, Hafiz Mammadov. Le riche homme d’affaires d’Azerbaïdjan devait être la solution idoine à tous les problèmes du club artésien, l’homme providentiel. C’est ainsi qu’un an après sa mise à l’écart, Gervais Martel est revenu en grande pompe avec l’homme qui devait permettre au club de fait rêver à nouveau tout un peuple. La mayonnaise a semblé prendre, Gervais Martel a alors pris sa meilleure décision depuis bien longtemps, en nommant Antoine Kombouaré entraîneur de l’équipe première. Un choix raisonné et justifiable, qui constitue une superbe réussite puisque le RC Lens a atteint son objectif, à savoir la remontée en Ligue 1.
Mais, les solutions de facilité sont rarement les bonnes. Alors que le président lensois semblait être en mesure de remettre le club sur ce qu’il considère comme les « bons rails », tout a explosé en l’espace de quelques semaines. En situation précaire dans son pays et incapable de tenir ses engagements à l’égard de son club, Hafiz Mammadov a précipité le RC Lens dans une situation délicate. Les ambitions de Ligue des Champions évoquées un temps par le milliardaire azéri et l’enthousiasme entretenu par la montée ont alors été oubliés face au joug d’une nouvelle réalité : celle de la peur du retour au point de départ, à savoir le maintien en Ligue 2. Après un été de doute et de peur, le Racing a fini par conserver sa place en Ligue 1, grâce à une promesse non-tenue auprès du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF).
Le principal problème du Racing vient du fait que le club se trouve à l’heure actuelle entièrement dépendant du bon vouloir d’un actionnaire ultra-majoritaire et peu rassurant. A vouloir aller trop vite, le président lensois a plongé son club dans une nouvelle crise, une crise structurelle. En l’espace d’un an et demi, Gervais Martel est en train de reproduire l’ensemble des erreurs commises lors de la fin de son premier passage au club, le tout dans un temps ultra-réduit. Le Crédit Agricole, avec Luc Dayan avait drastiquement mis au régime le club, surveillant de près le personnel et les coûts de fonctionnements du club, mais tout a volé en éclat depuis le retour de Gervais Martel. Que ce soit par le biais de l’étude des comptes du RC Lens réalisée par Yann Fossurier de France 3 Nord-Pas de Calais, ou bien les révélations sur le salaire du président du club (50.000€), de nombreux éléments à charge permettent de se questionner sur la bonne gestion du club. Et cela constituera de nouveau un problème cet été, lorsque le club retrouvera la Ligue 2 – au mieux – avec des frais de fonctionnement alors plus que jamais incompatibles avec les recettes d’un club de deuxième division. Les leçons à tirer des précédentes relégations n’ont clairement pas été retenues.
Voilà, c’est fini...
Car si le destin sportif du club semble plus que jamais joué, les chances de maintien du RC Lens tendant vers le néant, les difficultés extrasportives pourraient précipiter le club dans les bas-fonds du football français, à l’image de Strasbourg, Sedan ou encore Le Mans, avant lui. Dans le viseur de la DNCG, après les multiples épisodes de l’été dernier, Gervais Martel pourrait avoir un sévère retour de bâton en juin prochain. Deux ans après son retour, l’emblématique président artésien pourrait donc quitter – définitivement – le club par la petite porte, si celui-ci est contraint à l’implosion. Pourtant, ce club dispose de nombreux atouts pour se faire une place de choix au sein de la hiérarchie du football français. Si la délocalisation à la Licorne et au Stade de France a rajouté une difficulté supplémentaire aux hommes d’Antoine Kombouaré, pour cette saison, le club va retrouver son enceinte l’été prochain, un stade qui dispose d’une véritable âme, avec un taux de remplissage largement au-dessus de la moyenne, un vrai chaudron où le peuple lensois fait corps avec ses joueurs.
Inauguré en 2002, le centre d’entraînement et de formation du club, la Gaillette, constitue une véritable force. De Gaël Kakuta jusqu’à l’emblématique Raphaël Varane en passant par Geoffrey Kondogbia, le RC Lens a formé de nombreux joueurs qui garnissent aujourd’hui les effectifs de nombreux clubs européens. Or, le RC Lens n’a jamais réellement donné sa chance à ses jeunes. Si aujourd’hui, nombre d’entre eux sont présents au sein de l’effectif professionnel, c’est uniquement en raison d’une situation sportive délicate et de la nécessité de renforcer un groupe très restreint. Or, cet été, ce sont ces mêmes jeunes qui devraient quitter le RC Lens et apporter des indemnités de transferts bienvenues pour régler – temporairement – une bonne part des problèmes financiers récurrents du club, difficultés renforcées par une nouvelle relégation en Ligue 2.
Le RC Lens demeure le club le plus populaire dans le Nord de la France : c’est un club qui compte dans la région et qui participe au développement économique, industriel et social de la ville. Si aujourd'hui, l'investissement dans le monde du football demeure risqué et rarement payant, l'attractivité du club est toujours réelle et perdurera quoi qu'il arrive.
Gervais Martel, j’admire la manière dont vous avez su redresser le club dans les années 1990 et écrit de nombreuses pages parmi les plus belles de l’histoire Sang et Or. Vous avez fait du RC Lens l’un des clubs phares de France. Vous nous avez permis de toucher les étoiles, de goûter à la Ligue des Champions, aux Coupes d’Europe. Vous nous avez fait rêver durant de longues années, vous avez tout sacrifié pour porter le club lensois lors de sa première relégation en 2007. Pour tout cela, le peuple Sang et Or vous en sera éternellement reconnaissant.
Mais aujourd’hui, après une troisième relégation en moins de huit ans et une nouvelle saison calamiteuse, pour le club comme pour vous, il semble temps de tourner la page. Donnez au RC Lens une chance de rebondir, de se reconstituer. Ne laissez pas ce club couler et ainsi définitivement faire oublier tous les bons souvenirs que nous avons vécus ensemble. Acceptez de sortir dignement, tant pour vous, que pour l’avenir du RC Lens. Et n’oubliez pas que si la fin justifie les moyens, en toute chose, c’est la fin qui est essentielle. Il serait dommage que l'on ne retienne que celle-ci.
Comme dirait le romancier français Thomas B. Reverdy : « Il savait que parfois, pour survivre, il faut partir. Ce qui veut dire aussi qu'il faut laisser les gens partir. Même ceux qu'on aime. »
Romain P.
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